CR stage formation chœur nov 2016


Stage chœur

Ce stage a eu lieu le samedi 26 novembre dans la salle vitez du lycée Rousseau. Il a réuni 24 stagiaires encadrés par Didier Lastère.

Un grand nombre d'enseignants qui participent régulièrement aux printemps théâtraux ont suivi plusieurs "stages projets" avec Bernard Grosjean, il devenait donc nécessaire de leur proposer une nouvelle formation, sorte de stage niveau 2 ! Le principal problème du théâtre à l'école étant de gérer une "troupe" de 25 acteurs, quoi de plus adapté qu'un stage sur le chœur et  relier ainsi notre approche du théâtre à celui des origines. Si dans le chœur antique dyonisiaque, émanation des citoyens, on chante, danse ou commente l'action, Didier nous annonce que l'on peut tout demander au chœur maintenant. Le chœur peut fabriquer toute l'histoire à vue, construire l'espace de jeu, apporter les costumes et habiller les personnages. Le chœur témoin qui regarde simplement l'événement le rend plus exceptionnel, plus dramatique. Le chœur manipulateur (marionnettes, objets, ombres…) peut faire apparaître les personnages, organiser l'espace, chorégraphier… Le chœur peut aussi créer la musique à vue (voix, corps, percussions…). Le programme de la journée sera vaste.

D'abord des échauffements…en chœur
Pour créer ce singulier collectif, quelques exercices sont proposés.
"La star ac", exercice plébicité par les groupes de jeunes, consiste à répartir le groupe en quatre lignes et à distribuer quelques numéros aux participants. A l'appel de son numéro, l'élève vient se mettre devant et va diriger le groupe sur une musique dynamique. Le groupe devant reproduire collectivement les geste du meneur. (musqiue originale de Rain Man par exemple).
"L'équilibre du plateau" vise l'occupation de l'espace. On considère que le plateau est posé sur un piveau central et que les joueurs doivent occuper l'espace de telle sorte que le plateau reste en équilibre. On marque des arrêts et on observe la disposition des joueurs. Les déplacements doivent être souples et dynamiques.
"Les chaises" : elles sont réparties dans tout l'espace et diversement orientées. Chacun est assis sur sa chaise, regard dans le prolongement mais aussi "regard périphérique" pour être attentif aux mouvements du groupe. Sans signal préalable, le groupe se lève, pied gauche d'abord, se tourne face à la chaise, en fait le tour, un pas en arrière, s'assoit, regard toujours ouvert (sans regarder ses pieds !). Les déplacements se font sans tension pour être reliés aux autres. (référence à la biomécanique de Meyerhold)
"Le regard secret" : Les joueurs, sur une ligne, avancent et reculent ensemble, sans signal individuel et avec le regard fixé sur le secret (point imaginaire au fond de la salle, au dessus des spectateurs). Les bras le long du corps, le déplacement, en gardant la ligne droite formée par le groupe, se fait d'une façon tonique, y compris en arrière après une légère impulsion.
"Les bâtons", un exercice à faire pendant quelques minutes à chaque séance. Chacun se déplace en tenant un bâton sur le bout d'un doigt, exercice d'équilibre, d'énergie et de concentration. L'activité peut se décliner de différentes façons : mouvement minimal, déplacements rapides, danse… puis tenir le bâton en regardant son partenaire dans les yeux ! On peut effecter un travail à deux, les deux bâtons étant tenus par la paume des deux partenaires, il s'agit d'effectuer des déplacments et des mouvements sans faire tomber les bâtons !




La création des chœurs
Les chœurs dans les spectacles ne sont pas évidemment en ligne. Les chœurs chez Brecht sont des groupes constitués, chœurs de soldats, des commerçants, du peuple… porteurs d'une même parole. Chez Aristophane, ils ont une forme triangulaire, "aérodynamique"! comme celui des oiseaux migrateurs…
Pour constituer le chœur, on peut partir du portrait de famille, chacun étant emboité, épaule contre épaule, les plus grands derrière. Quand chacun a mémorisé sa place, au signal le groupe se disperse dans l'espace et vient se reconstituer. C'est le coryphée, le chef de chœur, qui enclenche l'action, est le point de repère autour duquel se reconstitue le portrait.
La mise en mouvement du chœur nécessite aussi quelques entraînements. Des déplacements dans l'espace vont s'effectuer en suivant le coryphée, en marchant, courant, reculant, se baissant au départ… Les coryphées peuvent être interchangeables, en particulier lors des changements de direction pour qu'ils soient visibles de tous.
Le regard des membres du chœur est important pour donner cette effet d'unité. Au départ, tous les regards sont dirigés dans la même direction, celle du secret. Mais quelques regards peuvent être échangés dans le chœur, un sourire partagé puis adressé au public. On passe du sourire au rire qui se nourrit du chœur mais s'arrête net au mouvement du coryphée.

Différents types de chœurs
Avec une classe entière il est conseillé de garder tous les élèves présents sur scène pendant la durée du spectacle (cela évite la gestion difficile des coulisses !). Mais alors il faut leur trouver une occupation et un rôle dans le jeu collectif. Ces élèves sont ainsi prêts à participer à différentes actions chorales.
Le chœur créateur de personnage au début s'ouvre et laisse apparaître le personnage qui s'en dégage puis le groupe s'éloigne et s'efface en se disposant sur les côtés. A l'opposé, le "chœur gomme" peut venir entourer le personnage, l'envelopper et l'enlever au sein du groupe, il "disparaît" alors.
Le chœur témoin, éloigné, regarde le personnage laissé sur le plateau, recule, se reforme, fixe ainsi le personnage. Le regard des autres donne plus de force et d'intensité dramatique à la scène. Il peut appuyer aussi des effets de peur, de joie…
"Le chœur costumier" : les élèves se lèvent et viennent dans un déplacement un peu chorégraphié habiller les personnages, ou bien ceux-ci s'arrêtent et effectuent un retour à reculons pour qu'on leur enlève les éléments de costumes qu'on dépose rituellement sur les côtés.
"Le chœur rythmique" : Les élèves créent ensemble un rythme (claquements de mains ou frappes sur le sol voire utilisation de percussions diverses ou percussions corporelles). On peut même créer trois chœurs comme cela a été expérimenté sur des rythmiques différentes ou avec la voix : "Bonjour/, ça va / et toi/", rythmes binaires qui s'entremèlent en gardant le tempo puis se regroupent.
"Le chœur de bruits" : chacun produit un son sans faire percevoir d'arrêt, avec des changements de tonalités, bouche fermée, sans rupture brusque. On peut évoquer le vent, la pluie… créer des espaces sonores pour venir appuyer certains passages du texte.
"Le chœur des électriciens" ! Didier a ainsi évoqué l'activité confiée à certains jeunes élèves peu enclins à monter sur un plateau. Habillés de noir (gants, bonnet), ils tiennent des projecteurs basse-tension et viennent éclairer les visages des acteurs (ils peuvent même utiliser des gélatines de couleur).

Situations chorales autour d'un objet
            Pour faciliter l'investissement des élèves, il faut chercher à leur donner du concret à gérer, des matières, des objets. Ainsi Didier a proposé à deux groupes d'imaginer quatre situations avec détournement d'objets. Le premier objet, une table est ainsi devenue podium de meeting, mur, traineau, palanquin… Dans la scène, il fallait engager tout le groupe donc créer des chœurs comme le chœur de souffle pour évoquer le froid, chœur de personnages qui bougent derrière le traineau pour marquer le déplacement… Le rejeu est un principe fondamental du travail théâtral avec une nouvelle contrainte. Le conseil était de de dépasser les propositions concrètes et réalistes pour inventer des situations magiques et poétiques comme par exemple proposer un discours politique muet et des applaudissemnts appuyés. Le théâtre convoque un autre regard, non réaliste et travaille avec l'imaginaire du public.
            La consigne suivante a consité à élaborer une histoire à partir des quatre détournements. Le tissu (satinette gaufrée gris perle) est un élément plus inducteur d'imaginaire, son caractère plus volatile et fluide permet des mouvements spectaculaires ou poétiques (on l'a fait monter comme un ballon qui retombe ensuite doucement et enveloppe lentement le groupe de personnages !). Le tissu étalé crée déjà de l'espace qui devient la mer dans le tableau 1, mer agitée par la tempête (mouvement créé par ceux qui tiennent le tissu) tandis que deux personnages s'efforcent de la traverser. Puis le tissu devient une tente berbère, une femme danse devant l'homme. C'est ensuite naturellement le mariage où le tissu devient la longue traîne des mariés accompagnés des youyous. L'histoire se termine par le repas de noces où le tissu devient nappe. A chaque étape un chœur est convoqué pour planter les piquets de la tente, pour le cortège des mariés, les convives du repas… Un chœur manipulateur, un chœur scénographe, un chœur acteur, un chœur sonore…






            Le support de jeu est facilitateur, la contrainte est toujours créatrice. Et Didier devient intarissable lorsqu'il évoque ces situations de jeu expérimentées avec différents éléments imposés, notamment autour du principe d'accumulation : accumulation de papiers journaux ou de sacs plastiques, de draps ou de chaises, de sable ou de pelotes de laine… tous impressionnants comme par exemple celui des journaux : une classe de collège avait été vidée puis le sol recouvert de 50 cm de papiers divers. Musique. Les élèves sortent peu à peu de dessous les papiers, leurs costumes étaient faits de journaux collés, ils cherchaient à lire leur texte en fouinant dans le tas de papiers. Les élèves adorent manipuler la matière et inventer des formes. On peut s'essayer à plusieurs univers avant de faire un choix.

"Timide"
Le support du spectacle, album ou texte de théâtre, ne doit pas être communiqué avant de préparer le groupe. Il faut faire jouer les élèves sur la thématique  pour qu'ils s'amusent d'abord avec le sujet du texte, la timidité dans le cas du stage, puisque l'extrait proposé provient du texte de Catherine Verlaguet "Timide"(Théâtrales jeunesse 2012)  
Consignes de jeu données aux deux groupes : se répartir le texte, constituer les chœurs, trouver le mot à dire ensemble. La scène a quatre peronnages : l'enfant (Lucas), la Peur, la mère et le docteur.
Des propositions de jeu sont montrées, discutées et … rejouées bien sûr. Voici quelques observations faites sur les choix de chœurs. Le début de la scène commence par un chœur, photo de classe, tout le monde est immobile, s'ensuit un sourire timide, forcé, photo oblige, puis un acteur sort, le chœur sourit et chuchote "Voici Lucas", qui, lui, ne sourit pas et s'enfonce sur lui-même puis un membre du chœur vient le coiffer d'une casquette (élément distinctif des Lucas dans la scène). Le second groupe a présenté un chœur réussi de docteurs, le docteur accompagné de son staff. Proposition est faite de trouver une dynamique pour le staff de docteurs, une rythmique dans la diction du texte chuchoté peut-être. Le docteur se déplace suivi de tout son staff pour observer le petit Lucas. On peut alors dépasser le réalisme, agraver la réalité et basculer dans l'onirique, voire le cauchemard, toute la classe devient le chœur de docteurs qui entoure le petit garçon ! C'est même le monde entier, dira Didier, qui vient envahir la maison pour observer Lucas ! Dans une mise en scène, il faut toujours savoir d'où se raconte l"histoire. Ici bien sûr c'est à travers Lucas et sa peur du docteur n'en sera que mieux ressentie par le public dans ce choix de chœur !



Chœur et solo
Le stage se termine par le traditionnel cercle de parole où chacun s'exprime. Didier s'appuie sur les retrours pour reprendre quelques éléments importants. Il n'existe pas de chœur sans solo. On a besoin de voir sortir l'individu singulier du collectif. Le chœur va chercher l'acteur qui va jouer Lucas, le choisit, l'habille, le présente "Voici Lucas", puis se referme. Le relais des Lucas seront assurés par la casquette, le chœur le coiffe puis le pousse hors du groupe. Mais il faut toujours garder un certain mystère pour commencer, Lucas n'apparaît pas d'emblée. Ces multiples chœurs expérimentés, vécus, vont ainsi nourrir le jeu des classes. On attend avec impatience de voir cela aux printemps prochains.
Marcel Le Bihan